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Des fonds de pension canadiens font main basse sur des terres agricoles au Brésil news : Insight & Analysis July 31, 2017 Share Print My Retirement, Not at the Price of Human Dignity! Credit: Inter Pares Cet article a d'abord été publié dans l'édition de juillet-aout 2017 du magazine The Monitor, du Centre canadien de politiques alternatives. (disponible en anglais seulement) Par David Bruer Les fonds de pension comptent parmi les plus gros investisseurs sur les marchés financiers mondiaux : ils gèrent des sommes plus importantes que les fonds souverains, les fonds de couverture et les fonds de capital-investissement réunis. Et les fonds de pension du Canada sont parmi les plus importants de la planète. C’est dire que les décisions des gestionnaires de ces fonds quant à la manière dont sont investies les économies des ménages sont lourdes de conséquences : faire gonfler des bulles immobilières ou accroitre le prix des matières premières, faciliter un mégaprojet qui fait controverse ou, plus rarement, infléchir les comportements des entreprises en cas de menace de désinvestissement. Depuis la crise financière de 2008, les gestionnaires de fonds de pension recherchent des produits de remplacement aux actions, notamment pour les investissements à long terme qui permettent de se prémunir contre les fluctuations des marchés boursiers. Ils se sont donc intéressés, par exemple, aux terres agricoles désormais attrayantes pour bien des fonds de pension. Leur argument est imparable : l’accroissement démographique et la croissance des revenus entraînent une augmentation de la demande de produits alimentaires donc des pressions sur les superficies agricoles limitées et, de surcroit, en net recul. Il s’ensuit que le prix des denrées alimentaires et celui des terres agricoles sont condamnés à augmenter à long terme. D’ailleurs, Jim Rogers, gourou de l'investissement, conseille d’acheter de la terre parce qu’on n’en fabrique plus. Au cours de la dernière décennie, toutes sortes de fonds ont été créés pour acheter des terres agricoles dans le but d’attirer les investissements des fonds de pension. Certains ciblent des terres en Europe de l’Est, d’autres en Afrique ou en Amérique latine. Certains voient de belles occasions en Australie tandis que d’autres lorgnent du côté des Prairies canadiennes. Dans les campagnes, on ressent déjà l’afflux d’argent du secteur financier. Le prix de la terre est à la hausse; les fermiers, surtout parmi les jeunes, éprouvent des difficultés à acquérir des terres sans trop s’endetter. On assiste aussi à la consolidation des terres et à l’apparition d’exploitations à grande échelle, autant de facteurs qui contribuent à leur tour au déclin des petites exploitations familiales et à l’expansion d’une agriculture fortement dépendante d’intrants chimiques et nocifs pour l’environnement. Ailleurs dans le monde, c’est la raison pour laquelle des personnes sont littéralement arrachés à leur terre. De plus en plus de petits exploitants, de pasteurs et d’Autochtones sont chassés de leur terre, souvent dans la violence, pour faire place nette à de grandes exploitations bénéficiant de l’appui des milieux financiers internationaux. Au cours de l’année dernière, 26 défenseurs du droit à la terre ont été assassinés chaque mois, selon le Réseau d’action sur les pesticides (Asie-Pacifique). En 2012, Inter Pares, une ONG basée à Ottawa (et pour laquelle je travaille), s’est greffée à une petite coalition d’organisations du Brésil, du Canada, de la Suède et des États-Unis pour enquêter sur la manière dont le fonds de terres agricoles mondial géré par le fonds de pension des enseignants et enseignantes des États-Unis, TIAA-CREF, a acquis des terres au Brésil. Il arrive que les fonds de pension investissent dans des portefeuilles gérés par d’autres fonds de pension; c’est ainsi que des intérêts canadiens et suédois sont investis dans le fonds de terres agricoles mondial de TIAA-CREF. Au Canada, la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Société de gestion des investissements de Colombie-Britannique (bcIMC) y ont des parts importantes. Pourtant, TIAA-CREF insiste sur le fait que ses investissements dans les terres agricoles sont « responsables ». Le fonds a été le fer de lance de l’élaboration des Principes pour l’investissement agricole responsable de l’ONU auxquels ont souscrit d’autres signataires. Chaque année, il publie un rapport sur ses investissements mondiaux dans les terres agricoles qui fait régulièrement état d’investissements exempts de conflits et de tout autre problème de nature sociale ou environnementale. Il est malheureusement difficile de vérifier les allégations de TIAA-CREF puisque le gestionnaire du fonds refuse de dévoiler l’emplacement des terres qu’il possède. Cependant, après trois années d’enquête, Inter Pares et ses associés ont été en mesure d’identifier plusieurs exploitations acquises par le fonds de TIAA-CREF. Ils ont aussi levé le voile sur un montage financier complexe pour contourner la règlementation brésilienne sur les investissements étrangers dans les terres agricoles. Les exploitations que possède TIAA-CREF sont situées dans la zone méridionale du Matopiba vers laquelle s’étend la culture du soja à grande échelle. Il s’agit d’une région rurale du Brésil où vivent des communautés autochtones et afro-brésiliennes ainsi que les familles de petits exploitants agricoles ayant réussi à préserver la fragile mais grande biodiversité de la savane. C’est aussi une région en proie à une multitude de conflits fonciers en raison de la collusion entre hommes d'affaires sans scrupules et fonctionnaires corrompus qui s’unissent pour chasser, par le recours à la fraude et à la violence, la population locale hors de ses terres avant de les revendre à des sociétés étrangères comme TIAA-CREF. Une enquête approfondie portant sur l’une des exploitations de TIAA-CREF dans le Matopiba a permis d’apprendre qu’elle a été rachetée à un homme d’affaires brésilien inculpé pour accaparement des terres et connu pour recourir à la fraude et à la violence pour chasser les communautés locales de la région. Avec l’appui de Développement et Paix et d’autres organisations canadiennes, Inter Pares a entrepris de faire pression sur la Caisse de dépôt et placement du Québec et sur bcIMC pour qu’elles retirent leurs investissements du fonds des terres agricoles de TIAA-CREF. Une courte vidéo d’animation a été mise en ligne sur YouTube pour sensibiliser la population à cette question. (Voir capture d’écran sur cette page.) Le clip a été produit dans le cadre d’une campagne visant à encourager la population à écrire aux deux fonds de pension pour leur demander de s’abstenir d’investir dans le fonds des terres agricoles mondial de TIAA-CREF et de suspendre les investissements spéculatifs dans les terres agricoles. La campagne visait aussi à exiger de TIAA-CREF qu’il rende publics la nature, l’ampleur et l’emplacement de ses investissements, directs et indirects, dans les terres agricoles. Développement et Paix collabore étroitement avec ses partenaires brésiliens pour venir en aide aux communautés touchées par l’accaparement des terres par TIAA-CREF et d’autres investisseurs dans la région du Matopiba. Cet appui est plus que jamais nécessaire puisque le nouveau gouvernement a proposé une loi pour éliminer les restrictions limitant les investissements étrangers dans les terres agricoles. La Caisse de dépôt et placement a reconnu avoir pris connaissance du rapport d’enquête mais ses représentants ont refusé de prendre part à une discussion sur ce sujet. Quant à bcIMC, on attend toujours sa réaction à la campagne. Nous savons qu’elle l’a suivie et qu’elle est préoccupée par la mauvaise presse qu’elle lui fait. Nous savons aussi qu’elle a été suivie par d’autres fonds de pension canadiens. À long terme, l’objectif est de renverser la tendance des gestionnaires de fonds de pension canadiens à investir dans les terres agricoles, qu’elles se trouvent au Brésil, en Afrique ou au Canada. Les moyens de pression font effet. L’année dernière, l’Office d'investissement du régime de pensions du Canada avait fait un gros investissement dans un fonds de terres agricoles canadiennes; pourtant, en avril, il s’est ravisé indiquant son intention de liquider ses avoirs actuels. Les gestionnaires de fonds de pension investissent dans une variété de secteurs aux aspects éthiques douteux comme l’industrie de l’armement ou l’exploitation minière, sans être tenus de rendre compte aux personnes dont ils gèrent les économies. Étant donné leur influence considérable sur les marchés financiers, il est grand temps de s’interroger sur la manière dont notre épargne contribue au développement économique positif et sur les moyens que se donnent nos sociétés pour veiller sur leurs aînés. David Bruer fait partie de l’équipe d’Inter Pares où il s’intéresse à la souveraineté alimentaire et à la justice économique. Learn more Ma retraite, pas au prix de la dignité humaine!Fonds de pension étrangers et accaparement des terres au Brésil Add new comment You must have JavaScript enabled to use this form. Your name Comment * Save Leave this field blank