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Le cycle de la violence en Birmanie news : Insight & Analysis August 07, 2018 Share Print Credit: Le 8 août 2018, il y a de cela une trentaine d’années, la majeure partie du monde n’était pas au courant que des milliers de personnes ont envahi les rues de la Birmanie afin d’exiger la démocratie après des dizaines d'années de régime militaire. L’armée répondit aux manifestants par les armes. Personne ne sait combien de personnes furent tuées le 8 août 1988, mais certaines estimations prudentes font état d’au moins 3 000 morts. Contrairement à la croyance populaire, le pouvoir de l’armée birmane et le contrôle qu’elle exerce ne se sont pas relâchés, mais n’ont fait que croître depuis lors. Les horribles attaques menées contre les Rohingyas et qui ont capté l’attention du monde il y a près d’un an ne constituaient pas les premières exactions commises par l’armée birmane contre son propre peuple. En fait, l’intensification du génocide des Rohingyas n’est qu’un chapitre de la complexe saga d’oppression et de violence qui se poursuit depuis des décennies dans tout le pays. Afin d’intervenir de manière efficace, le Canada doit donc considérer l’ensemble du territoire et de l’histoire de ce pays. Les Britanniques ont créé la Birmanie en unifiant un territoire diversifié plus vaste que l’Alberta que se partageaient divers peuples parmi lesquels se trouvent les Shans, les Karens, les Kachins, les Chins, les Was, les Môns, les Karennis, les Arakanais et les Birmans — chacun d’eux possédant des cultures et des langues complètement différentes. Depuis ce temps, personne n’a été en mesure de contrôler l’ensemble du pays. Lorsque la Birmanie devint indépendante de la Grande-Bretagne en 1948, elle était un État centralisé dominé par l’ethnie birmane. La discrimination systémique dirigée contre les personnes qui n’étaient pas birmanes mena à des tensions et à l’établissement d’une résistance armée. Les régimes militaires qui se succédèrent eurent recours à une série de campagnes appliquant la politique de la terre brûlée afin de tenter d’étendre leur souveraineté aux frontières du pays. Ils appliquèrent une politique d’assimilation afin de « birmaniser » le pays — un projet visant à créer un pays doté d’une seule religion et d’une seule langue. Conquérir et contrôler les villages des ethnies non birmanes, et obliger leurs habitant(e)s à parler le birman et à pratiquer le bouddhisme furent alors des mesures considérées comme nécessaires. Toutefois, les différents peuples en Birmanie résistèrent. Les campagnes militaires affrontèrent autant une résistance non violente qu’armée. Au fur et à mesure que les offensives devinrent plus brutales, la résistance gagna en détermination. Plutôt que de se soumettre au contrôle des militaires, les villageois(e)s se cachèrent dans les collines cependant que divers groupes ethniques mirent sur pied leurs propres gouvernements régionaux dans des régions autonomes. Au fil des années, nombre de cessez-le-feu et d’accords de paix furent respectivement conclus et négociés. Mais sans résolution politique, la plupart de ces cessez-le-feu finirent par échouer. Ce n’est que relativement récemment que les dictateurs birmans furent remplacés par un gouvernement dirigé par les militaires. Aujourd’hui, les magazines de voyage font la promotion d’endroits touristiques idylliques et des monuments culturels que recèlent les métropoles. Néanmoins, trop peu de choses ont changé dans de vastes zones des provinces de Birmanie où les minorités ethniques se trouvent à constituer la majorité de la population — ces provinces couvrent 40 % du territoire du pays. Il y a des escarmouches militaires dans les États Chin et Karen, des offensives majeures dans les États Kachin et Shan, des camps de concentration dans l’État Arakan, de même que des camps de déplacés internes dans les États Shan, Kachin, Chin et Karen. Dans l’État Chin, des pensionnats scolaires dirigés par le gouvernement forcent les enfants chrétiens à se convertir au bouddhisme. Des journalistes et des défenseur(e)s des droits de la personne croupissent en prison, et les villages sont de plus en plus militarisés. De vastes projets d’exploitation de ressources naturelles sont assortis d’opérations de nettoyage ethnique menées par l’armée, ce qui permet à cette dernière et à ses sbires de s’enrichir. L’aide humanitaire destinée aux communautés déplacées est régulièrement bloquée. Enfin, différents groupes communautaires ont documenté l’emploi du viol comme arme de guerre par l’armée birmane dans presque tous les États où se concentrent les ethnies ciblées par les exactions. Le sort des Rohingyas n’a rien de nouveau; comme les autres ethnies minoritaires, la vie de ce peuple est ponctuée d’épisodes de violences et de déplacements. Il s’agit d’un cycle. Nous avons la responsabilité de reconnaître ce fait et d’agir en conséquence. Le Canada doit s’attaquer à la force motrice derrière ce génocide plutôt que de se contenter de panser les blessures immédiates. Cependant, le gouvernement birman a attisé la haine contre les Rohingyas au sein de la population. Ainsi, tout mécanisme d’examen international qui se penche exclusivement sur le cas des Rohingyas risque d’exacerber ce préjugé — rendant encore plus lointaine et improbable la possibilité, pour les réfugié(e)s, de regagner leur pays, et créant une menace réelle pour les membres de ce peuple qui vivent encore au pays. En outre, une approche trop focalisée desservirait les autres minorités ethniques qui sont éprouvées depuis longtemps, qui ont également enduré les crimes de guerre commis par leur propre armée, et qui méritent un traitement juste. Le Canada doit appliquer une approche globale au cas de la Birmanie; cette approche doit tenir compte de l’ensemble du spectre de ces crimes, de même que des graves lacunes de ce pays sur le plan de la démocratie. Depuis plus d’une trentaine d’années, la population birmane manifeste et survit. Il est temps pour nous de mettre fin à ce cycle. Add new comment You must have JavaScript enabled to use this form. Your name Comment * Save Leave this field blank