À la mémoire de Martin Khor

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Martin Khor sits for the camera, resting his cheek on one hand. The photo is black and white.

C’est avec tristesse qu’Inter Pares a appris le décès de Martin Khor, survenu le 1er avril après un long combat contre le cancer. Militant et universitaire de réputation mondiale, Martin était aussi l’ex-directeur de Third World Network, homologue de longue date d’Inter Pares. Nous nous souviendrons de Martin comme d’un ardent défenseur du Sud mondialisé dans les systèmes mondiaux du commerce et de la finance, d’un grand intellectuel et d’un habile conteur. Pour célébrer sa mémoire et son travail de plaidoyer, nous vous présentons une entrevue de Martin tirée de notre Bulletin de novembre 2007.

Martin Khor, un homme d’audace

Parution originale en novembre 2007

« J’ai toujours su qu’il y avait des problèmes avec le commerce, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce, mais c’est la première fois qu’on m’explique tout ça aussi clairement! » Plusieurs ont fait ce commentaire après le discours inaugural de Martin Khor à une conférence sur le commerce et les droits de la personne tenue à Ottawa. C’était un discours passionné, avec une touche d’humour, par le directeur de Third World Network (TWN), homologue de longue date d’Inter Pares et voix respectée dans les forums internationaux sur le système économique mondial et les droits de la personne. Après l’événement, David Bruer – membre de l’équipe d’Inter Pares – a eu la chance de poser quelques questions à Martin sur le travail de TWN.

Qu’est-ce qui a amené un professeur d’économie malaisien à former un groupe comme TWN en 1984?

TWN est né d’un groupe d’activistes qui critiquaient leurs gouvernements. Nous combattions certains projets en Malaisie, comme les barrages construits par le gouvernement qui entraînaient des déplacements de population et une foule de problèmes environnementaux. Des membres du gouvernement ont dit qu’ils étaient d’accord avec nous mais qu’ils avaient les mains liées : les fonds provenaient d’appareils internationaux comme la Banque mondiale, qui décidaient les politiques relatives aux projets. Dès les années 1980, nous avons compris une chose : ce qu’il fallait changer, c’était les politiques internationales. Nous ne manquions pas d’audace! Nous savions que la vérité et la justice étaient de notre côté, alors nous sommes allés à la Banque mondiale avec nos preuves démontrant l’impact de leurs politiques sur les barrages. Nous leur avons dit que le problème, c’était leurs politiques et qu’il fallait les changer. Et c’est là que nous avons compris l’importance des groupes du Nord. Ils pouvaient parler à leur classe politique qui contrôlait le financement de la Banque. Alors nous avons commencé à travailler ensemble, le Sud et le Nord.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous abordez les coalitions?

Nous n’avons pas de principes politiques auxquels tout le monde doit adhérer – les groupes s’unissent autour d’un enjeu particulier. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, mais nous pouvons collaborer sur des difficultés communes. Le travail consiste à recueillir de l’information, élaborer une analyse commune, puis travailler avec des groupes locaux : agricultrices et agriculteurs, environnementalistes, étudiant-e-s, etc. Le processus est devenu mondial. Né en Malaisie, le réseau s’étend maintenant à toute l’Asie et au-delà. TWN est aussi présent en Afrique et nous avons des liens avec plusieurs groupes d’Amérique latine. L’expérience acquise en Malaisie avec les institutions financières internationales peut aider des gens en Bolivie ou en Tanzanie. Nous avons beaucoup en commun sur plusieurs enjeux économiques, puisqu’il faut affronter le même système financier international.

À titre de réseau de la société civile, quels sont vos liens avec les gouvernements?

Les gouvernements ne regardent pas les choses à long terme, leur sort est lié aux prochaines élections. Mais la société civile peut le faire. Il y a quinze ans, les activistes pour les droits de la personne ne parlaient pas d’économie ou de réglementation du commerce parce que les liens n’étaient pas évidents. Nous le faisons maintenant, alors une partie de notre rôle est de faire les liens et d’aider les gouvernements à voir au-delà de leurs propres intérêts afin de privilégier une perspective à long terme. Les réseaux comme TWN sont de plus en plus professionnels et les gouvernements ont commencé à nous écouter. Avant, nous citions les Nations Unies pour étayer nos arguments – maintenant, ce sont les Nations Unies qui nous citent! En Tanzanie, j’ai abordé le président lors d’un événement pour lui donner mon avis et lui suggérer ce qu’il devrait faire. Il m’a écouté avec attention, puis il a organisé une rencontre avec son ministère des Finances pour approfondir la question. C’est un exemple de notre audace et cela fait partie des moyens que nous utilisons pour bâtir la solidarité entre pays du Sud.

Inter Pares est fière de faire cause commune avec Third World Network au niveau mondial.

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