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Manifestation sur la colline du Parlement à Ottawa
May, 2015 : Demonstrators protesting against Bill C51 on Parliament Hill in Ottawa. Credit: Samantha McGavin

Au cours des dernières années, les gouvernements de nombreux pays des Amériques ont adopté un discours qui qualifie d’illégitime et parfois même d'illégale toute forme de dissidence face à l’État. Au Guatemala, par exemple, le gouvernement tend à criminaliser les formes de dissidence légitime envers certains projets de développement extractif, en allant jusqu’à traiter ces opposants de terroristes. Dans le cas du Chili, les tactiques de criminalisation du gouvernement passent justement par le recyclage de vieilles lois antiterroristes.

Depuis deux ou trois ans, une rhétorique similaire semble gagner du terrain au Canada, que ce soit dans les rapports de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou du ministère de la Sécurité publique. Déposé au printemps 2015, le projet de loi C-51 constitue l’aboutissement de ce discours, qualifiant de menace à la sécurité nationale toute ingérence dans la sécurité économique du pays. Les autorités prétendent que la dissidence est permise, mais qu’en est-il vraiment?

La situation inquiète grandement la Ligue des droits et libertés, un homologue d’Inter Pares dont la mission est de défendre et de faire la promotion des droits humains. Selon sa coordonnatrice Nicole Filion : « au Québec, la société civile est très engagée dans la lutte contre les mesures d’austérité mises de l’avant par le gouvernement provincial parce qu’elles sont des attaques en règle contre les services publics et portent atteinte aux droits économiques et sociaux. Les organisations syndicales et communautaires qui s’opposent aux politiques gouvernementales risquent d’être ciblées par les mesures de contrôle et de surveillance prévues sous C-51 ainsi que par les mesures qui donnent les moyens aux forces policières de criminaliser la dissidence. »

C’est pourquoi la Ligue a lancé, ce printemps au Québec, une campagne d’opposition à C-51, de concert avec des organisations syndicales et communautaires, qui met de l’avant l’adhésion à une déclaration commune demandant le retrait de C-51. Aussi, la Ligue réalise un bilan sur le droit de manifester au Québec et propose de regrouper plusieurs organisations de la société civile pour réaffirmer ce droit qui, selon Nicole, « a été carrément discrédité et banalisé, plus particulièrement depuis les manifestations du printemps étudiant de 2012. »

Cette menace fédérale au droit à la dissidence qu’annonce C-51 s’ajoute aux pratiques déjà troublantes de « profilage politique » constatées par la Ligue : « Certaines manifestations sont davantage ciblées en raison du thème abordé, comme c’est le cas des manifestations anticapitalistes ou environnementalistes. Les personnes sont ciblées non pas pour ce qu’elles font mais pour leurs convictions politiques. » Aussi, les forces policières peuvent compter sur des règlements municipaux ou encore sur le Code de la sécurité routière pour mettre un terme de manière totalement arbitraire à ces manifestations. Entre autres, on oblige les organisateurs à soumettre leur itinéraire, ou on les empêche d’entraver la circulation routière.

Il y a eu cependant de petites victoires à cet égard, tel que l’abandon des procédures judiciaires intentées contre des manifestants en vertu de certains articles du règlement P-6 à Montréal, en février 2015. Mais la partie est loin d’être gagnée. La Ligue travaille aussi de pair avec la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles (CSILC), notre homologue à l’échelle canadienne. Avec l’appui d’Inter Pares, les deux organismes revendiquent un pays où manifester demeure un droit démocratique non négociable.
 

Certaines manifestations sont davantage ciblées en raison du thème abordé, comme c’est le cas des manifestations anticapitalistes ou environnementalistes. Les personnes sont ciblées non pas pour ce qu’elles font mais pour leurs convictions politiques.

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