À bas l'austérité! Les taxes au service du développement

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Carte postale de la campagne sur les paradis fiscaux de Canadiens pour une fiscalité équitable.
Postcard: Canadians for Tax Fairness tax haven campaign Credit: Luke Lebrun / Canadians for Tax Fairness

Jour après jour, on nous répète que l’économie va mal, que les déficits gonflent et qu’il faut se résoudre à réduire les dépenses publiques. Nous devons vivre selon nos moyens. Curieusement, on ne parle que de réduire les dépenses et rarement d’augmenter les revenus. On nous explique que les revenus, c’est-à-dire les impôts, doivent être revus à la baisse pour encourager les entreprises et les particuliers à investir pour créer de la richesse. Nous n’avons plus les moyens de nous offrir les services pour lesquels nous payons des impôts. La solution c’est l’austérité, une médecine amère, mais qui nous fera du bien.

Vraiment?

Pour nos homologues du Sud, ce discours est familier. Dans le cadre des programmes d’ajustement structurel imposés par la Banque mondiale dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les mesures d’austérité étaient présentées comme un « mal nécessaire » pour les pays du Sud criblés de dettes du fait de régimes dictatoriaux et de politiques de prêt immodérées. Dans ces pays, il a fallu couper dans les programmes sociaux et privatiser ce qui était privatisable. Pouvaient-ils vraiment se permettre un système de santé ou des écoles publics, ou encore des aliments de base subventionnés? Certainement pas s’il fallait réduire les impôts et les taxes pour encourager les investisseurs étrangers à créer de la richesse.

L’ennui c’est que pour bien des gens, cette thérapie par l’austérité a été suivie d’une période d’appauvrissement et d’inégalités croissantes et non pas d’une période de prospérité. La baisse des revenus de l’État résultant des baisses d’impôt a donné lieu à des coupures dans les programmes sociaux tels que la santé et l’éducation. Les entreprises étrangères ont alors investi dans l’agriculture d’exportation, l’exploitation minière et pétrolière et d’autres secteurs encore. Certes on a créé de la richesse, mais qui en a profité? Les investissements étrangers n’ont même pas permis d’augmenter de manière substantielle les revenus des gouvernements puisque les accords d’investissement étaient souvent assortis de longues périodes de grâce où les entreprises étaient exonérées d’impôt tandis qu’elles envoyaient les profits dans des paradis fiscaux grâce à des mesures d’évitement fiscal tout à fait légales.

Les mesures d’austérité aujourd’hui appliquées au Canada et dans d’autres pays du Nord rappellent à s’y méprendre l’expérience des pays du Sud. Canadiens pour une fiscalité équitable, une toute jeune organisation, fait partie d’un réseau international grandissant et revendique une plus grande justice fiscale pour financer les filets sociaux et mettre à bas le culte de l’austérité. En 2012, Inter Pares s’est associée à Canadiens pour une fiscalité équitable pour organiser à Ottawa le premier sommet canadien sur la fiscalité. Cette rencontre a permis de discuter de l’importance des impôts comme moyen de redistribution des richesses pour construire une société plus égalitaire, leur contribution à la création et au maintien d’une main d’œuvre prospère et éduquée, ainsi que la manière dont le fardeau fiscal s’est peu à peu déplacé des grandes entreprises et des citoyens les plus riches pour peser de manière disproportionnée sur les classes moyenne et pauvre.

Le sommet s’est aussi penché sur la problématique des paradis fiscaux où sont cachées d’énormes sommes d’argent qui échappent au fisc dans les pays où les entreprises réalisent leurs activités. Au Royaume-Uni, le Réseau mondial pour la justice fiscale estime à 11,5 trillions de dollars les sommes détenues par des particuliers hors de leur domicile fiscal, ce qui représente une perte annuelle de l’ordre de 250 milliards de dollars en impôts. C’est cinq fois le montant que la Banque mondiale estime nécessaire pour réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015. À eux seuls, les pays en voie de développement perdent près de 124 milliards de dollars par an. Les revenus fiscaux ainsi récupérés par les États du Sud dépasseraient largement l’aide étrangère que ces derniers reçoivent. Au Canada, Canadiens pour une fiscalité équitable est le fer de lance d’une campagne axée sur les paradis fiscaux, Tackle Tax Havens, qui exhorte le gouvernement canadien à s’attaquer à ce problème.

Les politiques fiscales justes et équitables ouvrent des possibilités immenses au Canada et dans les pays du Sud. L’action de nos homologues et les problématiques qu’ils soulèvent dans le cadre de leur lutte contre l’austérité et pour l’égalité sont de la plus grande importance. Nous sommes tous convaincus que les pays doivent vivre selon leurs moyens. Reste à définir ces « moyens » et la manière dont ils sont utilisés. Pour Inter Pares, c’est une question de justice sociale.

Profits were shifted offshore through completely legal tax avoidance measures to tax havens […] Enabling Southern governments to recoup this lost tax income would bring revenue that is greater than the foreign aid they receive.

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