Une année d’élections en Birmanie

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Une démonstration de paix en Birmanie
A women’s walk for peace: with many of Inter Pares counterparts. Credit: Khin Ohmar

Les militantes et militants pour la justice sociale en Birmanie feront bientôt face à un dilemme majeur. À la fin 2015, la Birmanie tiendra ses premières élections depuis la soi-disant « transition vers la démocratie. » Pour les groupes communautaires, ce pourrait être une occasion en or de contribuer aux programmes des partis ou de faire de l’éducation civique. Cependant, le fait de participer aux élections peut être perçu comme l’approbation tacite d’une constitution rejetée par une grande partie de la société civile birmane.

La Constitution birmane comporte des failles énormes. Elle a été rédigée par des délégués choisis par l’armée. Elle réserve le quart des sièges de l’Assemblée législative à des membres actifs des forces armées et assure que l’armée est au-dessus de la Constitution. Ceci fait en sorte que le gouvernement civil ne contrôle pas l’armée du pays. C’est cette même armée – responsable du travail forcé et des évictions, des exécutions extrajudiciaires, de la violence sexuelle et d’autres crimes – qui rédige et approuve désormais les lois du pays, sans grand désir de s’attaquer à l’impunité, l’injustice ou l’inégalité entre les sexes. Il n’est donc pas étonnant que les organisations de femmes, les groupes ethniques et le mouvement pour la démocratie se battent depuis des années pour modifier la Constitution.

Selon la Constitution actuelle, les États (provinces) n’ont pratiquement aucun pouvoir; la direction des États est choisie par le président et c’est à lui qu’elle rend des comptes. Les membres des groupes ethniques, qui forment au moins 40 % de la population, envisagent la Birmanie comme un pays fédéral. La lutte pour le contrôle politique des groupes ethniques est à l’origine même des soixante ans de conflit armé. Le fédéralisme en Birmanie contribuera à édifier la paix seulement si les gouvernements des États rendent des comptes au peuple et qu’ils disposent des compétences juridiques et politiques dont ils ont besoin pour régler leurs enjeux. Une constitution qui ne garantit pas un véritable fédéralisme ne servira qu’à faire perdurer le conflit.

De nouveaux accords de cessez-le-feu font espérer la fin du conflit, mais la paix n’est pas seulement l’absence de coups de feu et de grenades. La paix émerge lorsqu’on s’attaque aux causes profondes du conflit. La paix, c’est réclamer justice pour les atrocités passées et restaurer la confiance en un système judiciaire indépendant. La paix, c’est amorcer des discussions sincères sur la réconciliation. La paix n’est possible que si le système politique sert les intérêts des femmes et des hommes.

Comment la société civile de la Birmanie peut-elle participer à des élections quand la Constitution est si dénuée de principes démocratiques, et dans un contexte où il n’y a pas de paix? Faut-il boycotter les élections en raison des failles de la Constitution ou cela contribuera-t-il à faciliter le maintien au pouvoir des partis alignés sur l’armée? Faut-il s’investir dans le travail d’éducation aux élections et engager le dialogue politique? Quelles sont les tactiques les plus susceptibles de réduire le risque d’élections truquées ou d’un nouveau coup d’État militaire?

Inter Pares collabore étroitement avec plus de soixante organisations communautaires en Birmanie, notamment dans les régions ethniques touchées par le conflit. Ces groupes discutent du meilleur moyen d’aborder cette année d’élections. C’est pour cela qu’en mars 2015, Inter Pares accueillera des femmes de Birmanie pour parler d’élections et de fédéralisme avec des Canadiennes et des Soudanaises. Nos quarante ans de travail pour la justice sociale nous ont appris que ces échanges sont des moments de réflexion et de collaboration d’importance cruciale. Ces occasions de partage brisent l’isolement, bâtissent la solidarité entre les peuples et galvanisent l’action pour le changement.

La lutte pour le contrôle politique des groupes ethniques est à l’origine même des soixante ans de conflit armé.

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