Pourquoi la question ethnique est-elle importante en Birmanie?

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Credit: Rebecca Wolsak

En 1947, juste avant l'indépendance d'avec la Grande-Bretagne, une conférence s'est tenue à Panglong, en Birmanie. Le général Aung San (père d'Aung San Suu Kyi) avait compris que la Birmanie pouvait survivre seulement si les groupes ethniques non birmans – formant au moins 40 % de la population – acceptaient d'en faire partie. Il a été convenu d'une structure fédérale, mais quelques mois plus tard, Aung San était assassiné par des rivaux qui s'opposaient à cet accord. La Birmanie est donc née en tant qu'État centralisé dominé par l'ethnie birmane. Sanctionnée par l'État, la discrimination contre les non-Birmans mena aux tensions ethniques et à la résistance armée. L'État se militarisa et devint en 1962 une dictature militaire qui dura presque cinquante ans pour n’être remplacée que tout récemment par un parlement dominé par l'armée.

La Birmanie fut amalgamée par les Britanniques à partir d'un territoire plus vaste que l'Alberta, que se partageaient divers peuples – Shan, Karen, Kachin, Chin, Wa, Mon, Karenni, Arakan, Birman et autres – chacun avec une culture et une langue distinctes. Personne n'a jamais contrôlé pleinement toutes ses montagnes boisées et ses vallées fertiles. Certains peuples montagnards n'ont jamais vu d'autres fonctionnaires que les soldats. La périphérie ethnique de la Birmanie, où les minorités sont la majorité, couvre 60 % du territoire géographique.

Contrairement au général Aung San, les régimes birmans d'après l'indépendance prétendirent que le régime militaire était la seule façon de préserver l'unité du pays. Pendant des décennies, ils appliquèrent brutalement la politique de la terre brûlée afin d'étendre la souveraineté jusqu'aux frontières du pays. Il fallait conquérir et contrôler les villages ethniques, subjuguer les populations et les birmaniser – en imposant la langue birmane et, de préférence, le bouddhisme. Le nom birman Myanmar imposé au pays en 1989 fut perçu comme une birmanisation linguistique, et rejeté pour cela par les militants pour la démocratie.

Les campagnes militaires se butèrent à de la résistance, tant pacifique qu'armée. Les offensives militaires de plus en plus brutales ne firent que renforcer la détermination des résistants. Les villageois préféraient se réfugier dans les montagnes plutôt que de se soumettre au contrôle militaire et des groupes ethniques formèrent de vastes territoires régis par leurs propres gouvernements régionaux.

Alors que la militarisation renforçait la répression dans les centres urbains de la Birmanie centrale, le régime fut confronté à d’importantes manifestations pacifiques en 1975, 1988, 1996 et 2007. Dans tous les cas, le régime réagit brutalement en tirant sur les foules, en procédant à des arrestations massives et en massacrant et torturant les dissidents. Les dissidents des villes, en majorité Birmans, fuirent vers les territoires ethniques où ils formèrent des alliances avec plus d'une douzaine de groupes ethniques de résistance, déjà alliés. Ensemble, ils négocièrent et rédigèrent des ébauches de constitution en vue de rétablir la paix en Birmanie. Pour toute réponse, l'armée birmane détruisit plus de 3600 villages, fit des offensives en territoire ethnique et mina les alliances en offrant des concessions d'affaires aux dirigeants des groupes armés afin d'obtenir un cessez-le-feu sans traiter des différends politiques.

Sans résolution politique, la plupart des cessez-le-feu furent un échec. Et pourtant, les nouvelles négociations en vue d'un cessez-le-feu depuis 2011 ont toutes suivi le même modèle, reportant les pourparlers politiques à un moment non déterminé pour considérer en priorité les projets de développement de l'industrie extractive. Sous le couvert des cessez-le-feu, l'armée envoie plus de troupes et d'armes lourdes. Selon la constitution en vigueur, l'armée échappe au contrôle du gouvernement et les militaires règnent toujours avec impunité dans les régions rurales. En avril 2012, un réfugié chin déclarait à Inter Pares « Je n'ai pas fui Aung San Suu Kyi, je n'ai pas fui ce gouvernement – j'ai fui pour ne pas être tué par l'armée. Et l'armée n'a pas changé, les soldats sont toujours dans mon village. »

Plusieurs de nos homologues travaillent avec les personnes et les collectivités dans les régions ethniques. Nous appuyons aussi des coalitions comme la Ligue des femmes birmanes, formée de treize organisations qui représentent des femmes de la plupart des groupes ethniques, et Burma News International, qui diffuse en dix langues les nouvelles de onze groupes médiatiques locaux. Les coalitions multiethniques peuvent surmonter les préjugés, bâtir la confiance et permettre à des groupes d’échanger expériences et stratégies afin de bâtir la paix dans la diversité en Birmanie.

En février 2012, Inter Pares a contribué à l’organisation d’une téléconférence à Ottawa avec Aung San Suu Kyi. « Nous devons respecter les aspirations des nationalités ethniques et tenter de bâtir une union véritable fondée sur l’accord de Panglong, a-t-elle déclaré. Ces groupes veulent simplement que leur autonomie et leur autodétermination soient inscrites dans une constitution acceptable pour tous… et c’est à cela que nous devons travailler. » Sans la présence de ces éléments, il sera pratiquement impossible d’établir une paix et une démocratie durables en Birmanie.

En savoir plus :

Bulletin - Novembre 2012 - Bâtir les fondations de la paix en Birmanie - Volume 34, Numéro 3

Site Internet de Womens League of Burma

Site internet de Burma News International

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