Afrique : l’égalité, le droit et le bien-être des femmes

Nouvelles : Analyses

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ACORD

En mai 2010, Annette Msabeni-Ngoye, gestionnaire intérimaire de la thématique « genre » de l’Association de coopération et de recherches pour le développement (ACORD) est venue du Kenya pour partager avec ses homologues canadiens les résultats d’une étude intitulée « Making the Law Count ». Cette étude porte sur l’accès des femmes et des filles au système judiciaire dans les cas de violences sexuelles et fondées sur le genre. ACORD est convaincue de la nécessité de traiter des inégalités entre hommes et femmes et de la primauté du droit pour assurer le bien-être des femmes.

Autrefois conséquences invisibles des conflits, les violences sexuelles et fondées sur le genre sont aujourd’hui internationalement reconnues comme une arme de guerre, une forme de torture et un crime contre l’humanité. C’est le sens que leur donne un grand nombre d’instruments consacrés aux droits de la personne qui confèrent aux femmes et aux filles ayant subi de telles violences les moyens de combattre l’impunité.

Malgré tout, l’examen des composantes judiciaires, policières et de santé en République démocratique du Congo, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda a montré que ces instruments internationaux ne sont pas partie intégrante des législations nationales ou que les États sont dépourvus de la volonté politique ou des ressources pour les mettre en oeuvre. De plus, ces États n’ont pas consacré les ressources juridiques et budgétaires nécessaires à assurer la protection des femmes et des filles, en particulier celles qui sont le plus exposées à la violence née des conflits, des déplacements de populations et de la marginalisation. Il s’ensuit, comme l’explique Annette, que les femmes et les filles qui ont vécu la violence politique durant la guerre n’ont guère accès au système judiciaire, à un soutien psychosocial pour leur processus de guérison ni à une quelconque indemnisation.

Les femmes et les filles qui survivent aux violences sexuelles et fondées sur le genre tirent rarement profit des structures judiciaires traditionnelles qui ont tendance à verser une compensation à la famille pour le dommage causé; souvent, elles n’obtiennent pas non plus l’accompagnement médical ou psychologique dont elles auraient besoin pour surmonter leur épreuve ou porter leur cas devant les tribunaux.

Les postes de police sont, quant à eux, mal équipés pour recueillir et stocker les preuves nécessaires aux tribunaux; c’est aussi sans compter l’accueil souvent discriminatoire qui y est réservé aux victimes de viol.

« Il arrive même », explique Annette, « que les officiers de police interrogent la femme, lui demandant comment elle était vêtue et laissant entendre qu’elle serait peut-être responsable de ce qui lui est arrivé. Enfin, les postes de police ont peu de contact avec les hôpitaux qui seraient aussi susceptibles de recueillir les preuves et de prodiguer des soins médicaux et psychologiques ».

Il est donc essentiel de promouvoir la pleine autonomie des femmes et des filles pour mettre fin aux violences sexuelles et fondées sur le genre. Étant donné l’attitude conventionnelle à leur égard, traiter de la problématique des violences sexuelles risque de déraper vers le thème de la chasteté et de la protection de la virginité plutôt que de faciliter la promotion de l’égalité des femmes dans la société.

Pour combattre la violence, il faut faire en sorte que les femmes puissent prendre en main les rênes de leur vie. Ainsi, de nombreuses survivantes sont chassées de la maison de leur mari. Lorsque les femmes peuvent posséder une terre et qu’elles ne sont pas définies comme la propriété de leur mari ou de leur père, elles ont au moins la possibilité de se refaire une vie après avoir connu violence, stigmatisation puis rejet.

En Afrique, dans la région des Grands Lacs, ACORD œuvre à la création d’un mouvement pour mettre fin à toutes les formes de violence faites aux femmes, en dénonçant l’impunité et en faisant traduire en justice les auteurs de violences sexuelles. Par la même occasion, ACORD permet aux survivantes de retrouver leur santé ainsi qu’une source de revenus.

ACORD utilise ses réseaux communautaires pour encourager des groupes de femmes, des survivantes de violences sexuelles ainsi que des organisations de la société civile à collaborer avec les responsables locaux pour non seulement punir les crimes, mais aussi combattre la stigmatisation et permettre aux survivantes d’obtenir une indemnisation appropriée. Ils éduquent les forces de police et créent des unités spécialisées pour répondre aux besoins des femmes et des filles. Ils forment aussi juges et magistrats à ne pas revictimiser les femmes et les filles lorsqu’elles témoignent et encouragent les médias à remettre en question la violence et la stigmatisation sociales, de manière générale.

La visite d’Annette au Canada a permis de renforcer les liens qu’Inter Pares avait développés avec ACORD; elle nous permettra aussi de jeter un pont vers les collègues d’Asie et d’Amérique latine qui s’intéressent à des problématiques similaires afin de tirer les leçons de l’expérience des uns et des autres, par-delà les frontières, pour le plus grand bénéfice des femmes et des filles.

Il est essentiel de promouvoir la pleine autonomie des femmes et des filles pour mettre fin aux violences sexuelles et fondées sur le genre.

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