Échanges internationaux entre femmes rurales : un monde d’apprentissage

Nouvelles : Analyses

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Samantha McGavin, membre de l'équipe d'Inter Pares, montre un panier de légumes de l'initiative "Légumes du sangham". Crédit: Eric Chaurette

Par Eric Chaurette, Gestionnaire de programmes

Inter Pares travaille avec des organisations paysannes et de femmes rurales qui pratiquent l’agroécologie – soit une agriculture respectueuse des principes écologiques – et qui, à travers un réseau d’alliances, participent à la création de systèmes alimentaires locaux et durables. Pour soutenir ces efforts, Inter Pares a organisé, entre 2012 et 2017, quatre échanges entre des leaders d’organisations paysannes et de femmes rurales du Canada, de la COPAGEN (Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain) , en Afrique de l’Ouest et de la Société de développement du Deccan (DDS), en Inde. En février 2017, Sam McGavin et Eric Chaurette, membres de l'équipe d'Inter Pares, se sont rendus dans l'état indien du Telangana dans le cadre d'un tel échange.   

Dès le seuil de la pièce, nous sommes accueillis par un parfum de menthe fraîche. Assises en cercle, les femmes sont occupées à réunir des bouquets d’herbes aromatiques et à peser les légumes qu’elles placent ensuite dans des paniers tressés qui seront bientôt acheminés à Zaheerabad et à Hyderabad. Les rayons du soleil qui pénètrent  par les fenêtres composent avec les montagnes de tomates, de légumes verts et les tas impressionnants de piments forts : un tableau fort attrayant. Les paniers seront distribués à 250 familles qui se sont inscrites à l’initiative « Légumes du sangham » de la DDS. Celle-ci a remporté un tel succès qu’il semblerait que 350 familles soient sur une liste d’attente.

Il y a à peine trois ans, Inter Pares avait organisé une rencontre d’échange d’expertise qui avait amené en Inde des agricultrices du Sénégal, du Burkina Faso et une agricultrice du Québec, Maude-Hélène Desroches, pour y rencontrer les membres de la DDS. À cette occasion, Maude-Hélène avait expliqué comment son exploitation « Les Jardins de la Grelinette » produit sur une superficie de 0,6 hectares suffisamment de légumes pour nourrir 250 familles auxquelles elle livre des paniers hebdomadaires. De toute évidence, son exposé a fait forte impression puisque ce modèle québécois d’agriculture soutenue par la communauté a pris racine au Telangana.

Et il ne faut pas croire que le partage du savoir était à sens unique. Maude-Hélène a aussi été impressionnée par la diversité des semences que les femmes de la DDS ont à leur disposition. Elle est revenue au Canada convaincue de la nécessité de préserver les semences des légumes qu’elle cultive.

Sam et moi sommes allés en Inde pour animer un échange d’expertise sur ce que l’on appelle « l’agroécologie dirigée par les femmes ». Se sont jointes à nous quatre formidables figures de la COPAGEN : Fatou Sow du Sénégal, Sábado Vaz de la Guinée-Bissau, Kadidja Koné de la Côte d’Ivoire et Aïssatta Yattara de la Guinée. Pendant plus de trois décennies, la DDS, qui a œuvré majoritairement auprès de femmes Dalits (parfois surnommées intouchables), a fait d’une région où régnaient famine et sécheresse un lieu d’abondance où s’épanouit la biodiversité. Son approche est simple : établir des organisations de femmes solides, les « sanghams »; créer une agriculture qui dépend de la biodiversité et des savoirs locaux; connecter les producteurs locaux aux marchés locaux et régionaux pour favoriser un meilleur accès à une alimentation nutritive. La COPAGEN a repris le modèle d’agroécologie dirigée par les femmes en Afrique de l’Ouest où des collectifs de femmes cultivent et transforment des cultures locales comme le fonio, le millet, le niébé, le sorgho ainsi que l’igname, et où la demande de produits locaux connaît une croissance.

De la salle, nous passons à une cour intérieure où les femmes du sangham nous montrent comment elles prennent la décision de planter telle ou telle  culture et les raisons de leur choix. À partir d’exercices de groupe, elles examinent les avantages de chaque culture et leurs différents usages. Sont pris en compte l’analyse coût/bénéfice, la réduction des risques, l’adaptation au climat et la planification nutritionnelle. À mesure qu’avance le débat, les connaissances qui motivent les décisions sont transmises aux membres du groupe; ces séances collectives sont à la fois lieu d’apprentissage et de transmission intergénérationnelle. L’ampleur des connaissances est d’autant plus impressionnante si l’on tient compte du fait que ces femmes, autrefois exclues en raison de leur appartenance à une caste inférieure, sont aujourd’hui des leaders dans leur communauté et sont reconnues au niveau international comme un modèle à suivre.

Le dernier jour, nous faisons le point sur tout ce que nous avons vu et appris au cours de la semaine. C’est à Fatou que revient le mot de la fin : « Au-delà de l’amitié et de la solidarité qui sont nées entre nous, cet échange nous a convaincus qu’une personne, homme ou femme, consciente de ses capacités peut être une vraie actrice du changement ».

« Au-delà de l’amitié et de la solidarité qui sont nées entre nous, cet échange nous a convaincus qu’une personne, homme ou femme, consciente de ses capacités peut être une vraie actrice du changement ».

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