L’égalité, une solution lucide : justice fiscale, paradis fiscaux et économie mondiale

Nouvelles : Analyses

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Kwesi Obeng et Jamie Kneen
La solidarité en action : Kwesi Obeng (TWN-Afrique) et Jamie Kneen (Mines Alerte Canada) sur le site d’une mine d’or à ciel ouvert au Ghana. Crédit: Jean Symes

« Une économie mondiale qui plonge des millions de personnes dans la pauvreté et met des pays en faillite est non seulement illogique mais fondamentalement injuste. Quelle sorte de société voulons-nous et comment y arriver? »

C’est la question posée par Inter Pares en novembre dernier dans le cadre d’une tournée mettant en vedette Yao Graham, coordonnateur de Third World Network-Afrique (TWN-Afrique), et Jean Symes, membre de l’équipe d’Inter Pares. Ils sont allés à la rencontre de la population canadienne à Saskatoon, Toronto, Montréal et Ottawa, pour ensemble analyser les manifestations de l’inégalité économique, les mécanismes qui la perpétuent et examiner les solutions possibles.

Sans contredit, la principale préoccupation est l’augmentation des inégalités au Canada et dans le reste du monde. Au Canada, en 2011, l’affluence aux banques alimentaires a atteint son niveau le plus élevé depuis 1997 avec près de 900 000 personnes en dépendant entièrement pour se nourrir. Dans un rapport publié récemment, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) indique que les inégalités ont un atteint un niveau record au Canada; elles seraient dues, entre autres, aux disparités croissantes de revenus et à la diminution de la redistribution des richesses. Selon le rapport, « Au Canada, les impôts et les services publics réduisent moins les inégalités que dans la plupart des pays de l’OCDE » (traduction libre).

La montée des inégalités n’est pas seulement le lot du Canada. Tandis que la pauvreté augmente, les profits des grandes entreprises montent en flèche. Selon Yao Graham, il s’agit du « paradoxe de la croissance ». En Afrique subsaharienne, en dépit d’une croissance constante du Produit Intérieur Brut (PIB) au rythme de 5 % par an, la pauvreté chronique elle aussi a augmenté de manière continue.

Cette croissance du PIB est due dans une large mesure aux activités minières. Le sous-sol de l’Afrique subsaharienne abrite les plus grandes réserves mondiales de minerais précieux comme le platine, le diamant, l’or et la bauxite. En dépit de l’augmentation constante des profits du secteur minier, l’Afrique abrite toujours les dix pays les plus pauvres du monde, selon un rapport récent des Nations unies sur le développement humain.

Pourquoi l’extraction minière n’a-t-elle pas contribué à l’amélioration des conditions de vie des Africains moyens dans les pays riches en ressources naturelles? La réponse se trouve en partie dans la fuite vertigineuse de capitaux : on estime à 240 milliards de dollars le montant des profits sortis illégalement des pays d’Afrique subsaharienne les plus pauvres entre 1970 et 2004, les privant ainsi de recettes fiscales équitables qui leur permettraient de fournir des services à leur population et de construire les infrastructures nécessaires à l’élimination de la pauvreté.

TWN-Afrique tente de renverser cette tendance. Agissant à titre de secrétariat du Comité national sur les activités minières au Ghana, TWN-Afrique favorise les échanges entre les collectivités touchées par l’exploitation minière, les environnementalistes, les syndicats et autres mouvements sociaux; ensemble ils réclament que les ressources nationales contribuent au bien commun. Cela signifie une refonte des codes d’exploitation minière et la renégociation des contrats de sorte que les entreprises minières paient des redevances plus élevées au pays hôte. Cela suppose également l’imposition de règles plus strictes pour lutter contre les cas flagrants d’évasion et d’évitement fiscaux. Un mouvement similaire s’organise également au niveau continental grâce à l’Initiative africaine sur l’exploitation minière, l’environnement et la société dont les objectifs sont ambitieux mais prometteurs. À titre d’exemple, cette année, la Guinée-Conakry a refondu son code minier pour permettre à l’État d’engranger plus de recettes fiscales.

Porté par notre tournée dans quatre villes canadiennes, le message de TWN-Afrique a trouvé un écho favorable au Canada. Chez nous, comme en Afrique, les entreprises s’enrichissent parce qu’elles ont accès à un bien commun, la nature, et aux ressources qu’elle recèle. Elles bénéficient de subventions publiques; se servent des infrastructures, routes, ponts, ports et aéroports; se prévalent des services d’une main-d’oeuvre formée dans des établissements publics et de services sociaux subventionnés par l’État. Il est donc tout à fait raisonnable d’exiger de ces entreprises qu’elles contribuent équitablement au bien général et à la protection de l’environnement où elles puisent leurs richesses.

2012, Inter Pares approfondira sa collaboration avec TWN-Afrique pour promouvoir plus d’équité dans les politiques fiscales en Afrique. Au Canada, Inter Pares appuiera des initiatives prometteuses pour l’atteinte d’une plus grande justice fiscale, notamment par le biais d’organisations telles que Taxation équitable au Canada (Tax Fairness Canada). Ainsi, ensemble, au Nord et au Sud, nous oeuvrerons de concert pour une plus grande justice économique, pour le bien de toutes et de tous.

Pour en savoir plus sur la justice fiscale au Canada : www.taxfairness.ca

 
 

Il est tout à fait raisonnable d’exiger de ces entreprises qu’elles contribuent équitablement au bien général et à la protection de l’environnement où elles puisent leurs richesses.

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