Rapport annuel d'Inter Pares 2015 - Société civile: Demander des comptes aux pouvoirs publics

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Société civile : Demander des comptes aux pouvoirs publics

Il arrive parfois qu’on ait l’impression de vivre un moment charnière. Un beau matin, sans préavis, le jour se lève sur un monde nouveau. Pourtant, ces moments charnières ne surgissent pas du néant; pas plus qu’ils ne débouchent nécessairement sur un changement durable.

Revoir le fil des événements nous ramène à des années de combats difficiles, souvent ingrats et frustrants, menés inlassablement par des groupes et des personnes engagés. L’Histoire nous montre qu’une société civile solide et dynamique, qui demande des comptes aux pouvoirs publics, sensibilise constamment la population et aide les gens à revendiquer leurs droits, est la meilleure médecine contre la dictature. Elle permet de se diriger résolument vers un changement significatif tout en préparant les plans, arguments et politiques pour que le peuple, en s’engouffrant dans la brèche, puisse négocier un meilleur avenir.

Un moment charnière est sans doute un exploit, mais n’est pas une fin en soi. Il représente une ouverture momentanée où un avenir différent est possible. Mais l’ouverture peut se refermer ou être récupérée par des parties ayant d’autres intérêts. De la Révolution française au Printemps arabe, les peuples continuent de se demander comment les victoires remportées peuvent déraper ainsi.

La Birmanie a pris un tournant décisif en 2011 lorsqu’elle a timidement tenté de repousser la dictature militaire. Soudain, les sanctions ont été levées, de nombreux investissements ont eu lieu, les violations massives des droits de la personne ont été oubliées. Lorsque la société civile et les militants birmans ont réclamé un peu de prudence et le maintien des pressions extérieures, des « experts » étrangers fraîchement débarqués ont déclaré que les critiques saboteraient les progrès.

Cinq ans plus tard, on s’étonne que les musulmans Rohingya continuent de fuir la violence, que le conflit armé n’a pas cessé et que les militaires sont toujours au pouvoir après la tenue d’élections démocratiques. Heureusement, dans les zones ethniques qui paient les frais des conflits, la société civile a poursuivi son action en sourdine, exploitant, avec succès, même les ouvertures les plus minimes. Ainsi, elle a contribué à exprimer les préoccupations de la population civile dans les négociations de paix, à faire reconnaître par les autorités les initiatives communautaires en matière de santé et à soumettre des propositions progressistes susceptibles de rendre la jeune démocratie birmane plus inclusive. Autant d’actions soutenues par Inter Pares qui a réussi, en 2015, à convaincre les autorités canadiennes de subventionner un programme d’action de cinq ans aussi ardu que passionnant.

Nous œuvrons aussi à d’autres transformations. Au Canada, des homologues d’Inter Pares comme Sécurité alimentaire Canada voient des années de recherche et de plaidoyer se traduire par des politiques publiques. Aux Philippines, bien que trois années et demie se soient écoulées depuis l’adoption d’une loi historique sur la santé reproductive, notre homologue Likhaan se bat toujours pour en assurer la mise en œuvre, notamment pour les femmes défavorisées. Une décennie de plaidoyer mené par nos homologues péruviens a abouti à l’ouverture de procès contre des militaires pour crimes contre l’humanité et à l’acceptation par les autorités de leur responsabilité dans la stérilisation forcée des femmes autochtones dans les années 90. Au Guatemala, l’action de longue haleine a permis d’obtenir des verdicts de culpabilité à l’encontre d’officiers militaires pour esclavage sexuel et domestique, un pas important pour la justice et pour la reconnaissance des crimes de guerre contre les communautés autochtones.

Ces progrès montrent combien il est important d’appuyer l’action de groupes engagés, surtout s’ils se trouvent sur place et qu’ils saisissent les problématiques locales, aussi bien durant les années noires que durant les beaux jours qui finissent par leur succéder. En Birmanie, au Canada, au Pérou ou ailleurs, les tournants décisifs ne sont pas une fin en soi. Ils se présentent comme des occasions qui nécessitent que l’on redouble d’efforts, de solidarité et de soutien. Ce sont des occasions qu’on ne peut se permettre de laisser passer..

Dans ce Rapport annuel, vous trouverez des exemples de l’action d’Inter Pares, partout dans le monde, auprès d’homologues se préparant à saisir les occasions qui se présentent, à négocier les tournants et, mieux encore, à les transformer en étapes décisives et transformatives. À l’heure actuelle, nous voyons certaines de ces occasions se dessiner; d’autres sont dépassées et d’autres sont encore à venir. En unissant nos forces, nous pouvons les provoquer, pour une transformation durable.

 

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