Un appel au Canada pour qu'il contribue à mettre fin au cauchemar du Soudan

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Par Rita Morbia, gestionnaire de programme à Inter Pares.

Rita travaille sur des questions liées aux droits des femmes, à la construction de mouvements féministes et à la santé, y compris les droits sexuels et reproductifs, au Soudan, aux Philippines et au Canada. 

J'étais en déplacement professionnel à Khartoum, au Soudan, lorsque les tirs et les bombardements ont commencé en 2023. Barricadée dans un hôtel, j'ai essayé de rester dans ma chambre et de m'éloigner des fenêtres alors que des hommes armés prenaient d'assaut les rues, puis le hall d'entrée en dessous de moi. 

Comme tant d'autres, je me suis retrouvée piégée dans un cauchemar que je n'avais pas choisi. Mais contrairement à la plupart des habitant-e-s de Khartoum, j'avais un moyen de m'en sortir. Dans 14 jours, je serais en sécurité chez moi à Ottawa : une évasion orchestrée, en partie, par les Nations unies. Mais pour des millions de Soudanais-e-s, il n'y a pas eu d'échappatoire à l'horreur et à un autre génocide dans leur pays.

Il n'y a pas eu d'échappatoire pendant les deux années qui ont suivi le début de la guerre entre les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) et l'armée soudanaise. Sept cent trente jours de pertes inimaginables. Des jours marqués par la faim, les massacres, les violences sexuelles et la destruction. Sept cent trente jours de désespoir suffocant. 

Ce nombre augmentera, tout comme la liste des morts. Il augmentera jusqu'à ce que le Canada et le reste de la communauté internationale demandent des comptes aux puissants acteurs extérieurs qui alimentent cette guerre - les Émirats arabes unis, ainsi que la Russie, l'Égypte et l'Iran.

Le 15 avril marque le sinistre anniversaire du début du conflit cataclysmique au Soudan, qui a forcé 11,5 millions de personnes à fuir leurs maisons et à se réfugier ailleurs dans le pays. Les personnes déplacées représentent plus que les populations du Québec, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard réunies. Près de 3,5 millions de personnes ont fui le pays. 

Le génocide a de nouveau été déclaré au Soudan, y compris par le gouvernement américain, qui a accusé la RSF et les milices alliées de génocide en janvier de cette année.

Des degrés divers de famine ont été déclarés dans plusieurs régions. 

Le corps des femmes a toujours été utilisé comme arme de guerre, et le Soudan ne fait pas exception. Plus de 6,9 millions de femmes et de filles, et un nombre croissant d'hommes et de garçons, sont aujourd'hui exposés à la violence sexuelle et fondée sur le genre dans le pays. Les témoignages de première main font froid dans le dos : enlèvements, esclavage sexuel et abus horribles. Les enfants et les membres de la communauté LGBTQI+ sont particulièrement vulnérables à l'exploitation et à la violence. La plupart des cas ne sont pas signalés, ce qui signifie que nous ne voyons que la partie émergée de l'iceberg. 

Face à cette horreur abjecte, la réponse du monde reste terriblement inadaptée. L'aide humanitaire souffre d'un manque criant de financement, avec un maigre 6 % de l'objectif de financement des Nations unies pour 2025, ce qui couvre à peine les besoins essentiels de la population pour rester en vie. Les efforts diplomatiques et les négociations de paix n'ont pas réussi à faire taire les armes.    

Les puissances régionales continuent d'armer un camp ou l'autre, faisant du conflit soudanais une guerre par procuration, la communauté internationale n'exerçant que peu de pression sur les voisins du Soudan pour qu'il y ait une désescalade.

Le Canada a le pouvoir et le devoir de réagir. Notre gouvernement doit faire pression sur les acteurs extérieurs qui arment les parties belligérantes pour qu'ils cessent leur soutien. Cette recommandation et neuf autres ont été formulées dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre du Canada par 64 organisations, dont Inter Pares, l'organisation de coopération internationale au nom de laquelle je me trouvais au Soudan.

Nous attendons toujours des actions. 

Cela fait plus de dix ans que je soutiens des organisations de femmes au Soudan dans le cadre de mon travail à Inter Pares. Je rendais visite à des collègues de ces organisations lorsque la guerre a éclaté. Au milieu de l'horreur, mes homologues soudanaises font preuve de résilience. Ils et elles continuent de travailler sans relâche au Soudan et dans les pays voisins comme l'Égypte et l'Ouganda pour apporter une aide d'urgence, des conseils aux survivants de la violence sexuelle, des formations sur les moyens de subsistance, de la documentation sur les droits de la personne et un soutien aux populations déplacées.

Si leur bravoure et leur engagement résolu en faveur de la paix étaient égalés par les dirigeants de l'ensemble de la communauté internationale, les massacres cesseraient.

Les Canadiens et les Canadiennes se rendront aux urnes le 28 avril pour choisir leur nouveau dirigeant. Ce même jour, cela fera deux ans que je suis rentrée du Soudan. Quel que soit le choix des Canadien-ne-s, j'espère que le gouvernement aura le courage de faire ce qu'il faut pour aider à mettre fin au cauchemar du peuple soudanais et d'un monde qui a désespérément besoin de plus de paix.

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