Cinq tactiques de plaidoyer éprouvées et créatives

« Quand on se limite à offrir des services, il faut respecter les politiques, quelles qu’elles soient. Mais si on ajoute du travail de plaidoyer pour changer les politiques, on améliore les services », dit Joy Salgado.

L’effet n’est peut-être pas spectaculaire, mais Joy a vu de façon concrète comment le travail pour changer les politiques publiques peut multiplier l’impact de sa petite organisation.

Joy est coordonnatrice du plaidoyer de Likhaan, notre homologue aux Philippines. Inter Pares aide Likhaan à offrir des services médicaux de qualité supérieure à des femmes qui en ont besoin, en plus de les traiter avec respect et dignité.

Mais Likhaan a vite réalisé qu’une petite organisation comme elle ne pourrait jamais apporter les changements requis pour obtenir des services et des droits adéquats en santé sexuelle et reproductive (SSR) dans un pays de plus de 100 millions d’habitants. Les dizaines de milliers de femmes et de filles qu’elle soutient ne représentent qu’une infime fraction des personnes qui ont besoin de ses services.

La réalité, c’est que l’État fournit la plupart des soins de santé au pays et réglemente les fournisseurs privés qui font le reste. Pour avoir un impact à l’échelle du pays, il faut changer les lois et les politiques, et assurer que ces changements sont appliqués.

C’est pour ça que nous aidons Likhaan à renforcer son travail de plaidoyer.

Ça fait des années que nous appuyons Likhaan, depuis qu’elle fait pression pour l’adoption d’une loi sur la santé reproductive finalement arrivée en 2012, puis pendant des années encore pour assurer qu’elle soit appliquée de façon adéquate.

Voici cinq tactiques éprouvées et créatives utilisées par Likhaan dans son travail de plaidoyer.

Montrer exactement ce qu’on veut (dans les moindres détails)

La législation des Philippines en matière de santé reproductive stipule que toutes les écoles doivent offrir un programme complet d’éducation sexuelle. Mais il a fallu 10 ans de pressions sans relâche pour que le gouvernement introduise le programme –  et encore, avec de sérieuses limites.

Redoutant que l’éducation sexuelle publique reste aussi inadéquate, Likhaan a mené une étude sur les meilleures pratiques dans le monde. S’appuyant sur les résultats de l’étude, Likhaan a élaboré un modèle de programme et l’a présenté au gouvernement en lui disant que c’était ce qu’elle voulait et ce à quoi elle s’attendait.

Protester à l’échelle locale

Même si les lois nationales sont adéquates, elles ne sont pas toujours appliquées sur le terrain.

Dans ce cas précis, la législation nationale en matière de santé reproductive prévoit le libre accès de toutes les femmes du pays à la contraception. Mais certaines municipalités refusent qu’on fournisse des contraceptifs sur leur territoire.

Quand Manille a choisi cette voie, Likhaan a aidé des groupes de femmes à protester jusqu’à ce que les autorités de la capitale autorisent les contraceptifs.

L’union fait la force : travailler en coalitions et en réseaux

Plus de 1000 organisations communautaires, grands organismes non gouvernementaux, associations professionnelles et groupes d’universitaires ont formé le Réseau pour l’action en santé reproductive (RHAN). À titre de secrétariat de longue date du RHAN, Likhaan aide le réseau à cibler les problèmes communs, forger des positions politiques communes et organiser le plaidoyer pour changer les choses.

Travailler avec les décideurs pour changer la réglementation

Le plaidoyer conteste parfois la réglementation plutôt que les lois comme telles. Il arrive que la réglementation limite l’accès aux services ou les rende moins abordables.

À une certaine époque, seuls les médecins et les sages-femmes avaient le droit de pratiquer la planification des naissances. Likhaan a convaincu le gouvernement national d’autoriser les infirmières à le faire, ce qui a grandement élargi l’accès aux services.

Le système national couvrait à l’origine les services de planification familiale seulement dans les cliniques des naissances, ce qui en réduisait grandement l’accès. Likhaan a plaidé pour qu’on autorise des cliniques autonomes de planification familiale dont les services seraient couverts. Le gouvernement a fini par approuver l’idée, ce qui a facilité de beaucoup la contraception payée par l’État pour les femmes et les filles marginalisées qui vivent là où il n’y a pas de cliniques des naissances.

Quand le gouvernement fait la sourde oreille, il faut être créatif

Il faut parfois plus qu’une demande de réunion pour attirer l’attention du gouvernement.

Quand ça arrive, Likhaan fait appel à des organisations locales qui représentent des milliers de femmes, d’adolescents et de personnes LGBTQI+ pour prendre le relais. Elles combinent conférences de presse, campagnes de cartes postales, pétitions et médias sociaux pour faire pression sur le gouvernement. Ce plaidoyer créatif descend parfois dans la rue – vigiles à la chandelle, marches violettes et die-ins pour attirer l’attention sur les femmes qui meurent chaque jour faute d’accès à des services de santé sexuelle et reproductive.

L’impact du plaidoyer est difficile à mesurer. Il s’exerce à long terme et il n’est pas évident de lui attribuer directement des changements – quel gouvernement admettra que c’est le plaidoyer qui l’a fait changer d’idée? Mais c’est un travail vital pour entraîner un changement durable.
 

Nous exprimons notre reconnaissance à Affaires mondiales Canada qui appuie généreusement ce travail.

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